samedi 27 décembre 2014

Un cadeau qui fructifie !

Comme à chaque année, la période des fêtes est synonyme d’échanges de cadeau. De toute évidence, certains cadeaux sont plus utiles que d’autres. Aujourd’hui, je discuterai d’un cadeau que l’on aurait tout intérêt à s’offrir collectivement. Sans surprise, le vélo fait partie de l’équation !

Dans un article paru dans la revue Environmental Health Perspectives, Macmillan et ses collègues (2014) ont estimé les bénéfices et les coûts économiques de différentes politiques visant à promouvoir le vélo utilitaire dans la ville d’Auckland en Nouvelle-Zélande. Comme c’est le cas dans la plupart des villes Nord-Américaines, l’automobile est, de très loin, le mode de transport le plus utilisé. En effet, plus de 75% des déplacements sont faits en auto comparativement à 14% pour la marche et… moins de 1% pour le vélo.

Cependant, la ville d’Auckland a adopté en 2010 les objectifs suivants pour l’année 2040 :

-          Réduire le nombre de décès sur les routes à moins de 40 par année (vs. environ 74/année entre 2005 et 2007) et diminuer de moitié le nombre de blessures sérieuses.
-          Éviter une augmentation de la congestion routière.
-          Augmenter la part modale combinée de la marche et du vélo à 35%
-          Faire en sorte que 80% de la population considèrent le vélo comme étant sécuritaire tous le temps ou la plupart du temps (comparativement à 19% en 2010).
-          Diminuer de moitié les émissions de gaz à effet de serre par habitant pour le transport des personnes.

Dans leur étude, Macmillan et ses collègues (2014) ont retenu les 5 scénarios suivants :

1)      Le pareil au même (business as usual), soit aucune hausse des investissements pour le vélo.

2)      L’établissement d’un réseau cyclable régional tel que prévu dans le plan stratégique d’Auckland. Ce réseau serait composé principalement de bandes cyclables peinturées sur la moitié des routes principales et de voies partagées entre les vélos et les autobus. Il y aurait un modeste ajout de 15 km de pistes cyclables hors route. Personnellement, je trouve que ce plan est peu convaincant.


3)      L’ajout graduel de bandes cyclables séparées de la circulation sur chaque côté de toutes les artères majeures (incluant des aménagements spéciaux, selon les meilleures pratiques, pour assurer la sécurité des cyclistes aux intersections). Il ne s’agit pas de réinventer la roue, ce serait essentiellement le même genre d’aménagements que l’on retrouve aux Pays-Bas, tel qu’exigé par le code de la route.

4)      L’implantation à grande échelle de mesures d’apaisement de la circulation (ex : rétrécissement de la chaussée, dos d’âne, etc.) L’objectif serait de réduire la vitesse des véhicules de façon à diminuer le risque de blessures et de décès chez les piétons et cyclistes. La sécurité étant une des principales préoccupations des cyclistes, ce scénario devrait encourager le vélo, d’autant plus qu’il rendrait l’utilisation de la voiture moins pratique.

5)      La combinaison des scénarios 3 et 4. Oui, vous avez bien lu !

Ensuite, ils ont évalué en termes monétaires les effets de chacun des scénarios sur un grand nombre de variables, incluant le nombre de décès et de blessures graves, les effets sur la santé de la pollution, la diminution de la mortalité prématurée associée à l’activité physique, le coût du carburant, les émissions de gaz à effet de serre et le coût des infrastructures. Je vous épargnerai les détails méthodologiques concernant l’assignation d’une valeur monétaire pour toutes ces variables. Ces détails sont présentés dans l’article.

Les résultats indiquent que, pour chacun des scénarios, les bénéfices seraient largement supérieurs aux coûts. Le ratio bénéfices : coûts varierait de 6 pour 1 à 24 pour 1. Même si le scénario 5 serait le plus coûteux (soit 630 millions de dollars Néo-Zélandais), c’est lui qui aurait les bénéfices les plus importants, soit plus de 13 milliards de dollars. Les chercheurs estiment que ce scénario augmenterait la part modale du vélo à 40% d’ici 2051 (comme à Copenhague aujourd’hui). C’est aussi ce scénario qui réduirait le plus la mortalité, les frais pour le carburant et les émissions de gaz à effet de serre.

Implications pratiques…

Ces résultats sont cohérents avec une étude sur les coûts et les bénéfices des infrastructures cyclables dans la ville de Portland en Oregon dont j’avais discuté précédemment sur ce blogue. Sans même tenir compte des bienfaits environnementaux, Gotschi (2011) avait estimé que chaque dollar investi entraînerait des retombées de 1,30 à 3,80$.

Dans le même ordre d’idées, Cavill et ses collègues (2009) ont quantifié les retombées économiques de plusieurs politiques pro-vélo, principalement en Europe. Même si les résultats variaient d’une étude à l’autre, les retombées médianes étaient de l’ordre de 5 euros pour chaque euro investi. Il est donc encourageant de constater que les investissements pour promouvoir le vélo sont rentables, et ce, pas seulement à Copenhague ou Amsterdam.

Ce que ces résultats impliquent sur le plancher des vaches, c’est que la promotion du vélo est une excellente façon de faire d’une pierre trois coups, soit d’améliorer la santé des populations[i], réduire les émissions de gaz à effet de serre et améliorer les finances publiques. Stephen Harper et ses députés n’ont plus d’excuse pour affirmer de façon démagogique que la réduction des émissions de gaz à effet de serre va « tuer l’emploi[ii] » (sic) !

Hibernation terminée…

Les lecteurs réguliers ont certainement constaté que le blogue a été en mode « hibernation » ces derniers temps, mon dernier billet datant d’il y a 3 mois. La raison étant que j’ai enseigné mon premier cours à l’université cet automne, donc j’ai été très très occupé. Mais ne vous inquiétez pas, de nouveaux billets paraîtront plus régulièrement en 2015. Sur ce, je vous souhaite une bonne année et, bien entendu, du beau temps pour le vélo J

Références

Cavill, N., Kahlmeier, S., Rutter, H., Racioppi, F., Oja, P. (2009). Economic analyses of transport infrastructure and policies including health effects related to cycling and walking: a systematic review. Transport Policy, 15 (5), 291-304.

Gotschi, T. (2011). Costs and benefits of bicycling investments in Portland, Oregon. Journal of Physical Activity and Health, 8 (Suppl. 1), S49-S58.

Macmillan A, Connor J, Witten K, Kearns R, Rees D, Woodward A. The societal costs and benefits of commuter bicycling: simulating the effects of specific policies using system dynamics modeling. Environmental Health Perspectives. 2014;122(4):335-344.


[i] Même les gens qui ne font pas de vélo bénéficieraient d’une diminution des émissions de particules fines par les véhicules qui sont une cause de maladies cardiovasculaires et du cancer des poumons.
[ii] Remarquez «l’emploi» du singulier, comme M. Harper lui-même ! (je n’ai pas omis d’utiliser le pluriel).

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