jeudi 3 juillet 2014

Un plan de déplacements, c’est bien, mais…



Dans un article récemment publié dans la revue BMC Public Health, nous avons décrit les facteurs associés au transport actif chez un échantillon de 567 jeunes de 4è et 5è année dans la ville d’Ottawa (Larouche et al., 2014). Les participants ont été recrutés dans 26 écoles Anglophones et Francophones. Ils ont rempli un questionnaire dans lequel ils devaient entre autres indiquer le mode de transport qu’ils utilisent habituellement pour aller à l’école et la durée habituelle de leur trajet scolaire.

Les directeurs d’écoles ont également rempli un questionnaire qui portait notamment sur les politiques scolaires reliées à la promotion des saines habitudes de vie (incluant le transport actif) et sur leur perception par rapport au quartier dans lequel leur école était située.

Troisièmement, un membre de notre groupe de recherche a effectué un audit de l’école et des environs. Il devait entre autres noter s’il y avait des trottoirs des deux côtés de la rue, des infrastructures cyclables, des mesures d’apaisement de la circulation (ex : dos d’âne, rétrécissement de la chaussée près des intersections, etc.) et des signaux indiquant aux automobilistes qu’ils se trouvent dans une zone scolaire.

Davantage de détails sur la méthodologie et les résultats sont fournis dans notre article qui est accessible gratuitement en cliquant ici. Je propose un résumé des principaux résultats dans les paragraphes suivants.


Résultats

Nous avons observé que les jeunes fréquentant une même école avaient tendance à avoir des habitudes de transport similaires[i]. Sans surprise, les jeunes dont le trajet scolaire prenait plus de 15 minutes étaient moins enclins à utiliser le transport actif. Il était intéressant de constater que le taux d’utilisation du transport actif était égal chez les jeunes rapportant des trajets de moins de 5 minutes et de 5 à 15 minutes.

Un résultat plus surprenant est que, lorsque le directeur d’école croyait qu’il y avait un taux de criminalité élevé dans les environs de l’école, les jeunes étaient plus enclins à utiliser le transport actif. Ce résultat paradoxal est néanmoins cohérent avec une étude Québécoise (Pabayo et al., 2012) Une explication potentielle est que les directeurs d’écoles où beaucoup de jeunes utilisaient le transport actif étaient portés à exprimer plus de crainte. Une autre possibilité est que le transport actif est souvent plus commun dans les milieux plus défavorisés où, par ailleurs, le taux de criminalité tend à être plus élevé.

D’autre part, la probabilité que les garçons utilisent le transport actif était environ deux fois plus élevée que chez les filles. Similairement, dans les écoles où les directeurs affirmaient employer des brigadiers pour aider les jeunes à traverser les rues problématiques, nous avons observé un taux d’utilisation du transport actif environ deux fois plus élevé.


Un plan de déplacements, c’est bien, mais…

Notre résultat le plus marquant est que les jeunes qui allaient à une école où des trajets sécuritaires étaient identifiés pour les piétons et cyclistes (tel que rapporté par le directeur) et où notre équipe de recherche a observé des mesures d’apaisement de la circulation, la probabilité d’utilisation du transport actif était près de 8 fois plus élevée. Toutefois, si une seule de ces mesures était en place, ce n’était pas suffisant pour encourager l’utilisation du transport actif. Comme une image vaut mille maux, voici le graphique illustrant cette synergie.



L’implication pratique de ce résultat pour les interventions visant à promouvoir le transport actif est qu’il est préférable d’utiliser les mesures visant à rendre l’environnement bâti plus sécuritaire en combinaison avec des stratégies visant à sensibiliser les jeunes et leurs parents.

Globalement, les interventions reliées au transport actif ont jusqu’à maintenant obtenu des succès mitigés (Chillon et al., 2011). Certaines interventions ont été efficaces tandis que d’autres n’ont pas engendré de changement des habitudes de transport scolaire. On sait peu de choses sur ce qui distingue les interventions efficaces et inefficaces. Toutefois, une étude menée en Oregon indique que les interventions ciblant à la fois l’environnement bâti et l’environnement social (par exemple, les enseignants, parents et élèves) ont entraîné une plus forte augmentation du transport actif que les interventions moins globales (McDonald, 2013). Ces résultats sont cohérents avec les nôtres.  


Références

Chillón P, Evenson KR, Vaughn A, Ward DS: A systematic review of interventions for promoting active transportation to school. International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity. 2011,8(10).

Larouche R, Chaput J-P, Leduc G, Boyer C, Bélanger P, LeBlanc AG, Borghese MM, Tremblay MS. (2014). A cross-sectional examination of socio-demographic and school-level correlates of children’s school travel mode in Ottawa, Canada. BMC Public Health, 14, 497.

McDonald NC, Yang Y, Abbott SM, Bullock AN. Impact of the Safe Routes to School program on walking and biking: Eugene, Oregon study. Transport Policy. 2013,29:243-248.

Pabayo R, Gauvin L, Barnett TA, Morency P, Nikiéma B, Séguin, L. Understanding the determinants of active transportation to school among children: evidence of environmental injustice from the Quebec Longitudinal Study of Child Development. Health & Place. 2012,18(2):163-171.


[i] Pour les connaisseurs, la corrélation intra-classe était de 0.31 dans le modèle initial incluant uniquement l’école des participants. Nous avons donc utilisé des modèles de régression logistique multi-niveaux ajustés pour la ressemblance des habitudes de transport à l’intérieur d’une même école. Dans notre modèle final incluant toutes les variables décrites dans ce billet, la corrélation intra-classe n’était plus que de 0.03 et elle n’était pas significative statistiquement. Ceci indique que les variables de notre modèle expliquent la majorité (soit près de 90%) de cette ressemblance.

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