mercredi 16 juillet 2014

Se faire voler son vélo par… la police !



Le manque de stationnements pour vélos à Montréal est un sujet d’actualité. Bien souvent, faute de support à vélo, les cyclistes n’ont d’autre choix que de barrer leur vélo après un arbre, un poteau ou une clôture. Ce faisant, ils risquent de se faire voler leur vélo par nulle autre que la police ! Soyez avertis : la police ne fait pas de demi-mesures. Sans donner le moindre avertissement, elle coupe le cadenas, ramasse le vélo et l’amène à la fourrière ! Et si le cycliste ose réclamer son vélo, il doit payer une facture de 42$ (et des frais additionnels de 3$/jour pour l’entreposage). Aussi invraisemblable que cette histoire puisse paraître, elle est néanmoins vraie !

En effet, Guillaume Primard et Emilie Nguyen ont récemment témoigné de leur mésaventure dans les pages du quotidien Le Devoir. M. Primard a été chanceux dans sa malchance parce qu’il a pris, pour ainsi dire, les policiers en flagrant délit. Lorsqu’il est arrivé sur les lieux, un agent tenait dans sa main le cadenas qu’il venait juste de scier. Par contre, Mme Nguyen n’a pas eu cette « chance ».

Si elle n’avait pas lu l’histoire de M. Primard dans les pages du Devoir, elle ne se serait pas informée du sort de son vélo. Malheureusement, elle l’a su après s’être acheté un nouveau vélo… et bien sûr, un nouveau cadenas.

Ce ne sont probablement pas deux cas isolés. Bien souvent, les gens ne rapportent pas le vol de leur vélo (à la police, ironie du sort) parce qu’ils croient que les chances de le retrouver sont presque nulles.

À mon avis, cette situation est absolument indigne d’une ville qui prétend promouvoir les transports alternatifs.

Dans l’arrondissement du plateau Mont-Royal, où près de 10% des déplacements sont effectués à vélo, on dénombre seulement 1600 supports à vélos pour environ 100 000 habitants. Dans ce contexte de pénurie, comment peut-on blâmer les cyclistes d’utiliser le mobilier urbain pour y barrer leur vélo?

L’application zélée du règlement municipal qui stipule qu’il est interdit « d’attacher une bicyclette ou un animal à un arbre ou à du mobilier urbain autre que celui spécifiquement destiné à cette fin » n’encourage certainement pas l’utilisation du vélo comme moyen de transport. Elle encourage plutôt le transport motorisé, ce qui est une très mauvaise idée dans une ville où les artères sont les plus congestionnées au Canada. C’est un peu comme si un médecin prescrivait à un patient souffrant d’une maladie cardiaque de commencer à fumer !

En passant, je ne suis pas un habitant du Plateau ou un « platonicien », comme dirait l’agente « matricule 728 » du service de police de la ville de Montréal, bien connue pour ses méthodes de travail inappropriées[1]. Elle a dû se mêler avec l’illustre philosophe Platon, qui était peut-être un « gratteux » de… cithare.


Ailleurs dans le monde…

Cette situation est particulièrement frustrante quand on sait que le fait d’avoir un emplacement sécuritaire pour barrer son vélo est un facteur clé qui encourage les gens à effectuer leurs déplacements à vélo (Heinen et al., 2010; Pucher et Buehler, 2012).

Ainsi, la plupart des gares comportent des stationnements sécuritaires pour les vélos dans des pays comme le Danemark, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Japon. Ceci permet aux cyclistes qui demeurent trop loin de leur destination de combiner le vélo et le transport en commun et, par le fait même, de réduire l’utilisation de l’automobile (Pucher et Buehler, 2012).

À certains endroits, les cyclistes peuvent barrer leur vélo dans un grand casier. À d’autres endroits, il y a un employé dont la tâche consiste à surveiller les vélos ; les cyclistes paient une modique somme d’argent pour ce service. Depuis quelques années, les pays Anglo-saxons ont commencé (lentement) à offrir des installations du genre.

Par exemple, à l’hôpital pour enfants où je travaille, il y a un grand enclos dans lequel on retrouve des supports à vélo où l’on peut barrer sa bécane. Cet enclos est situé juste en face de l’urgence de l’hôpital, donc il y a fréquemment des gens qui entrent et qui sortent, dissuadant ainsi les voleurs potentiels. En plus, il y assez souvent une voiture de police devant l’urgence, mais des polices sympathiques qui ne volent pas les vélos !


Références

Heinen E, Van Wee B, Maat K. Commuting by bicycle: an overview of the literature. Transport Reviews. 2010;30(1):59-96.

Pucher J, Buehler R. Integration of cycling with public transportation. Dans Pucher J et Buehler R (éditeurs), City Cycling, pp. 157-181. Cambridge, Massachusetts:  Massachusetts Institute of Technology Press; 2012.


[1] Les lecteurs non-Québécois comprendront ce dont il est question à la lecture de cet article : http://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-affaires-criminelles/201403/21/01-4750129-matricule-728-accusee-de-voies-de-fait.php

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