mercredi 14 novembre 2012

Le vélo à Jyväskylä

Il y a quelques jours, je suis revenu de Jyväskylä en Finlande où j’ai présenté les résultats d’une de nos études au congrès International Congress on the Enhancement of Physical Activity and Motor Skills. Ce n’est toutefois pas de cette présentation dont il sera question aujourd’hui, mais plutôt des infrastructures cyclables de Jyväskylä.

Jyväskylä est une ville étudiante de taille semblable à Trois-Rivières et Sherbrooke située au 62è parallèle, à environ 300 kilomètres au nord d’Helsinki. Le climat me semblait comparable à celui du Saguenay, mais en ce début novembre, les journées y étaient beaucoup plus courtes en raison de la latitude.

Les lecteurs réguliers se rappelleront que l’an dernier, j’avais discuté des infrastructures cyclables et piétonnières d’Helsinki et Vuokatti sur ce blogue. À mon avis, le réseau cyclable de Jyväskylä est encore mieux organisé que celui d’Helsinki. La différence réside dans l’intégration du réseau (les pistes cyclables et pédestres sont particulièrement bien reliées entre elles) et dans le souci d’aménager des tunnels et des ponts pour éviter le plus possible les intersections avec les routes principales où la vitesse des voitures est plus élevée. Le réseau est aussi très bien balisé pour qui sait lire le Finnois.

Ceci rend le réseau sécuritaire et agréable, ce qui contribue probablement à faire en sorte que la proportion de femmes parmi les cyclistes utilitaires (en Amérique du Nord, près de 3 déplacements à vélo sur 4 sont effectués par les hommes alors que c’est grosso modo 50-50 dans les pays Scandinaves et aux Pays-Bas). Cette différence entre la proportion de déplacements à vélo effectués par les femmes et les hommes serait principalement causée par une plus grande aversion du risque chez la gent féminine (Garrard et al., 2008).

De plus, ces aménagements font en sorte que les cyclistes ne se sentent pas comme des citoyens de deuxième classe. À l’opposé, au Québec, comme dans le reste du Canada, on dirait quasiment que la voirie s’amuse à mettre des panneaux d’arrêt partout sur les pistes cyclables, même quand elles croisent un cul-de-sac avec une circulation négligeable[i]. Ceci ralentit les déplacements des cyclistes, ce qui n’est pas une bonne idée parce que l’un des principaux facteurs que les gens considèrent dans le choix d’un mode de transport est nul autre que le temps. Qui plus est, une étude Australienne a montré que les gens ont tendance à sous-estimer le temps nécessaire pour les déplacements en voitures et à surestimer le temps requis pour les déplacements avec d’autres modes de transport (Shannon et al., 2006).


Loin devant l’Amérique du Nord et la France…

La part modale du vélo dans l’ensemble de la Finlande est de 11%, mais elle est apparemment plus faible à Helsinki et plus élevée dans certaines villes de taille moyenne dont notamment Oulu (que je n’ai pas encore visitée) et Jyväskylä où elle peut atteindre 15-20% dans certaines périodes de l’année. À titre comparatif, les données du recensement Canadien de 2006 indiquent une part modale du vélo de 1,3% au Canada (avec 1,4% au Québec). Quant à la France, la part modale y est d’environ 3%, malgré un climat beaucoup plus favorable.

Même en ce début novembre, avec une température à peine supérieure au point de congélation et seulement 8 heures de clarté par jour – « grisaille » serait peut-être plus juste puisque je n’ai pratiquement pas vu le soleil en 6 jours – les racks à vélo débordent. La photo en tête de ce billet est un échantillon des vélos stationnés au pavillon des sports, où avait lieu le congrès, mais j’aurais pu prendre un cliché semblable à bien d’autres endroits sur le campus de l’Université de Jyväskylä et au centre-ville. Je dis « échantillon » parce qu’il aurait fallu un grand angle sur ma caméra pour les prendre tous…

On m’a dit toutefois qu’il y a beaucoup moins de vélo en hiver quand il fait -20, mais les cyclistes hivernaux ne sont pas perçus comme des hurluberlus comme c’est parfois le cas au Québec et dans le reste du Canada. Les pistes cyclables Finlandaises sont déneigées en hiver – pas aussi rapidement qu’à Copenhague, mais elles le sont quand même, j’ai pu le constater lors de mon passage à Vuokatti en avril dernier. Oui, il y avait encore de la neige en avril, suffisamment pour faire du ski de fond. Il y aura d’ailleurs un congrès international sur le vélo hivernal en février prochain à Oulu, je ne pourrai pas y être cependant.

De plus, le réseau cyclable est éclairé le soir, comme vous pouvez le voir sur la photo ci-dessous. Il s’agit d’un pont réservé aux piétons, cyclistes, coureurs et patineurs qui permet de traverser le lac Jyväsjarvi. Le pavillon des sciences et génie est l’édifice que vous voyez de l’autre côté du lac. Il y a justement une belle piste cyclable qui fait le tour du lac sur environ 14 km avec de l’asphalte lisse et qui est assez large pour permettre une « cohabitation » harmonieuse des différents types d’utilisateurs. Faute de vélo, je l’ai parcourue à la marche et à la course. L’autre cliché est la vue du pont depuis ma chambre d’hôtel ; j’étais stratégiquement positionné pour observer que la piste cyclable est achalandée, même le soir.
 
 
 
 
Il y a aussi une partie du centre-ville où les voitures ne peuvent pas circuler. Cette zone est très achalandée, surtout en fin d’après-midi et les fins de semaine. Ah oui, pour ceux que ça intéresse, le litre de gaz se vendait 1,70 euros lors de mon passage, soit 2,16$ canadien au taux de change actuel, comparativement à 1,20$ canadien à Ottawa.

 
Références

Garrard, J., Rose, G., Lo, S.J. (2008). Promoting transportation cycling for women: the role of

bicycle infrastructure. Preventive Medicine, Vol.46, No.1 (January 2008), pp.55-59.

 
Shannon, T., Giles-Corti, B., Pikora, T., Bulsara, M., Shilton, T., & Bull, F. (2006). Active

commuting in a university setting: assessing commuting habits and potential for

modal change. Transport Policy, Vol.13, No.3 (May 2006), pp. 240-253.



[i] Si vous croyez que j’exagère, allez faire la piste cyclable entre les secteurs Hull et Aylmer de la ville de Gatineau. Vous m’en donnerez des nouvelles…

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