vendredi 10 août 2012

Tenez-vous le pour dit, il est interdit de circuler à vélo sur certaines voies cyclables

Comme vous avez pu le constater, mon blogue a été inactif pendant le mois de juillet. J’ai entre autres fait un voyage de cyclotourisme de 1320 km en 15 jours dans lequel j’ai roulé dans 8 régions du Québec. Les 4 premières journées ont été très chaudes, mais ensuite, Dame Nature a été plus clémente. J’ai particulièrement apprécié le tour du Lac Saint-Jean, la route du fjord du Saguenay, les routes de Charlevoix ainsi que le chemin du Roy. J’ai gravi les côtes de Charlevoix beaucoup plus facilement que je l’aurais imaginé grâce à mes entraînements de fartlek[1] dans le parc de la Gatineau :)

Cependant, s’il est une chose que je n’ai pas apprécié, c’est le paternalisme dont font preuve certaines autorités régionales en obligeant les jeunes de moins de 12 ans de circuler avec un adulte sur les parcours cyclables. Sur la photo ci-dessous, prise à Saint-Augustin en banlieue de Québec, on voit un accotement asphalté sur une route tranquille avec une limite de vitesse de 50 km/h et la fameuse pancarte dont il est question dans ce billet. J’ai ensuite vu cette pancarte à maintes reprises sur la Véloroute des bleuets, une des voies cyclables les plus connues et fréquentées au Québec.

Je ne sais pas dans quelle mesure ces règlements sont appliqués, mais il me semble que les policiers ont des lois beaucoup plus importantes à faire respecter dont notamment les limites de vitesse. On sait que le principal facteur qui détermine la gravité des conséquences d’une collision entre un cycliste et un véhicule motorisé est la vitesse de ce dernier. Le danger augmente de façon exponentielle avec la vitesse du (ou des) véhicules motorisés. Or, il est extrêmement commun de voir les automobilistes – et pire encore, les camionneurs – circuler à plus de 20 km/h au-delà de la limite permise sans se faire arrêter.

Ce phénomène est loin d’être exclusif au Québec. Par exemple, dans une étude de cas portant sur la mort d’une fille de 10 ans qui a été frappée par une voiture lorsqu’elle traversait la rue en Nouvelle-Zélande, Roberts et ses collègues (1994) ont observé méticuleusement la vitesse des véhicules sur la rue en question. Leurs résultats indiquent que la probabilité que l’automobiliste ne dépassait pas la limite permise est de seulement 14%. Pourtant, comme dans bien des cas, seule la jeune fille a été blâmée pour avoir été l’artisane de son propre malheur. C’est sans parler des automobilistes négligents qui conduisent en parlant au téléphone cellulaire, en envoyant des textos, en se maquillant ou en somnolant.
La mobilité indépendante

Par contre, ce qui me déçoit le plus dans ce règlement, c’est qu’il décourage le développement de la mobilité indépendante chez les jeunes. Le concept de mobilité indépendante réfère à la capacité d’un enfant de se déplacer sans être supervisé par un adulte pour aller vers certaines destinations (ex : école, parc, terrain de jeu, maison d’un ami, etc.). La mobilité indépendante peut également être exprimée en termes de distance ; par exemple, le rayon dans lequel un enfant peut circuler de façon autonome.
La mobilité indépendante permet à l’enfant de développer son autonomie et sa capacité d’orientation et possiblement même son estime de soi en le rendant moins dépendant de papa-taxi et maman-taxi. Malheureusement, la mobilité indépendante des jeunes a diminué considérablement au cours des dernières décennies (Hillman et al., 2001).

Cependant, la mobilité indépendante est associée au transport actif et à la pratique d’activités physiques qui, quant à eux, sont associés à de nombreux bienfaits pour la santé (Larouche, 2012; Page et al., 2009). Pour ces raisons, je trouve déplorable qu’il soit INTERDIT aux jeunes de moins de 12 ans de circuler sur les voies CYCLABLES sans la supervision d’un adulte. Il me semble que l’effet dissuasif de cette interdiction (qui est probablement difficile à quantifier faute de données précises) est néfaste.

Il me semble que dans la mesure où l’enfant démontre une compréhension adéquate des règles de la circulation, il pourrait circuler seul en vélo (ou à pieds). Plusieurs adultes circulent à vélo dans le mauvais sens de la route ou sur le trottoir (là ou ce n’est pas permis), donc je ne crois pas que l’âge de 12 ans représente un seuil magique en matière de compréhension des règles de la circulation.


Références

Hillman M, Adams J, Whitelegg J. One false move… A study of children’s independent mobility. London, Policy Studies Institute. 2001.

Larouche, R. (2012). The environmental and population health benefits of active transport: A review. In G. Liu (Ed.) Greenhouse Gases – Emissions, Measurement and Management, pp. 313-340. InTech: Rijeka, Croatia. http://cdn.intechopen.com/pdfs/32358/InTech-The_environmental_and_population_health_benefits_of_active_transport_a_review.pdf
Page AS, Cooper AR, Griew P, Davis L, Hillsdon M. Independent mobility in relation to weekday and weekend physical activity in children aged 10-11 years: the PEACH project. International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity. http://www.ijbnpa.org/content/pdf/1479-5868-6-2.pdf

Roberts I, Coggan C. Blaming children for child pedestrian injuries. Social Science and Medicine. 1994;38:749-753.

[1] Fartlek est un mot Suédois qui signifie « jeu de vitesse » ; ainsi le fartlek est un type d’entraînement ou l’on alterne des périodes d’effort intense avec des périodes de récupération en fonction des éléments externes (topographie, vent, etc.)

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