vendredi 20 avril 2012

Éventuelle vente de BIXI : manque de vision du gouvernement

Alors que les vélos BIXI viennent juste de reprendre du service à Montréal et Ottawa-Gatineau, Radio-Canada nous apprenait la fin de semaine dernière que le système de vélo en libre-service serait sur le point d’être vendu.

Et oui, vous avez bien lu. Malgré l’opposition de la ville de Montréal, des chefs de l’opposition et de Vélo Québec, le gouvernement libéral de Jean Charest exige que BIXI vende ses activités internationales pour rembourser sa dette. Pourtant, les activités internationales sont celles qui sont les plus profitables à l’heure actuelle... Il y aurait apparemment trois acheteurs potentiels, dont deux sont Québécois et un Britannique. Cependant, ce dernier semble avoir une longueur d’avance.

À mon avis, le gouvernement fait une grave erreur en agissant de la sorte et ce pour plusieurs raisons. D’abord, une raison évidente : advenant le cas où l’entreprise britannique mettrait la main sur BIXI pour une bouchée de pain, une trentaine d’emplois seraient perdus aux ateliers du fabricant Devinci au Saguenay. Cette région est déjà grandement affectée par les fermetures d’usines. Ce gouvernement qui se permet de négocier des ententes secrètes pour approvisionner les alumineries en électricité, pourrait bien donner une chance aux employé(e)s de Devinci.

Les vélos BIXI, développés par des Québécois, ont été adoptés par plusieurs autres villes dont Ottawa, Toronto, Boston, Londres, Melbourne et Washington pour n’en nommer que quelques-unes. Il est fort probable que d’autres villes décident d’adopter ce système, et si tel était le cas, il en résulterait des revenus qui pourraient être utilisés pour rembourser cette fameuse dette.

Bienfaits des vélos en libre-service

D’ailleurs, les lecteurs réguliers se rappelleront que j’ai déjà discuté d’une étude portant sur les bienfaits de l’équivalent Espagnol du Bixi, les vélos Bicing de Barcelone. Entre autres, cette étude, parue dans le British Medical Journal, a évalué que l’utilisation des Bicing permet de réduire les émissions de CO2 de 9 062 344 kg par année à Barcelone (Rojas-Rueda et al., 2011).

Considérant que la population de Montréal et la part modale du vélo utilitaire est similaire à celles de Barcelone, l’extrapolation des données de Rojas-Rueda et ses collègues peut donner une estimation de la réduction des émissions de CO2 que l’on pourrait attribuer aux BIXIs Montréalais.

Bien entendu, la marge d’erreur peut être considérable et l’incorporation d’autres facteurs permettrait d’améliorer la précision des estimés. Cependant, cette extrapolation peut nous donner une idée des économies financières que les BIXIs pourraient engendrer sur un éventuel marché du carbone. Je tiens à préciser que le gouvernement libéral s’est lui-même engagé à instaurer un marché du carbone dès l’an prochain.

Bon, revenons à nos moutons ! Admettons que le prix attribué à l’émission d’une tonne de CO2 serait de 10$, les BIXI généreraient des économies d’environ 90 000$ par année ; s’il grimperait à 20$, les économies atteindraient 180 000$ par année, et ainsi de suite.

D’autre part, l’augmentation de la pratique d’activités physiques associée au vélo contribuerait à réduire les dépenses en soin de santé de façon encore plus importante.  L’activité physique permet de réduire le risque de mortalité prématurée, de maladies cardiovasculaires, de diabète, de certains cancers, de la dépression, etc. (Warburton et al., 2006). Brefs, plusieurs problèmes de santé qui coûtent une fortune aux contribuables.


Mieux connaître les utilisateurs...

De plus, si les administrateurs du système BIXI connaissaient mieux le profil des utilisateurs, il serait possible d’apporter des améliorations au niveau de la logistique (i.e. emplacements des stations, nombre de vélos par station, etc.) et de la tarification.  L’an dernier, des chercheurs de l’Université de Montréal et de la direction de la santé publique de Montréal ont publié une étude scientifique sur l’utilisation des BIXIs et les caractéristiques des utilisateurs dans la revue American Journal of Preventive Medicine (Fuller et al., 2011). J’en ai discuté dans un billet précédent.

 Je crois que certains des auteurs de cet article seraient ouverts à l’idée de collaborer avec les administrateurs afin d’améliorer l’efficacité du système, ce qui pourrait permettre de réaliser des économies considérables sur les coûts opérationnels.


En conclusion

Considérant l’ensemble de ces facteurs, il me semble que la vente du système BIXI à des intérêts étrangers serait une très mauvaise idée. Dans ce dossier – comme dans plusieurs autres malheureusement – le gouvernement libéral ne semble considérer que les impacts directs à court terme. Le prêt accordé par le gouvernement à la ville de Montréal pour la gestion des BIXIs devrait être considéré comme un investissement et, à moyen et à long terme, cet investissement pourrait être très rentable… à condition que le gouvernement revienne sur sa décision avant qu’il ne soit trop tard !


Références

Fuller D, Gauvin L, Kestens Y, Daniel M, Fournier M, Morency P, Drouin L. Use of a new public bicycle share in Montréal, Canada. Am J Prev Med. 2011;41(1):80-83.

Rojas-Rueda, D., de Nazelle, A., Tainio, M., Nieuwenhuijsen, M. (Sous presse). The health benefits and risks of cycling in urban environments compared with car use: health impact assessment study. British Medical Journal

Warburton DER, Nicol CW, Bredin SSD. Health benefits of physical activity: the evidence. Can Med Assoc J. 2006;174:801-809.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire