mardi 2 août 2011

La sécurité du nombre…

Jeudi dernier, l’Institut Canadien d’information sur la santé a publié de nouvelles statistiques sur les blessures chez les cyclistes. Les nouvelles sont encourageantes, parce que les taux de blessures et de traumatismes crâniens sont demeurés stables au cours de la dernière décennie, et ce malgré une augmentation considérable de la pratique du vélo.

Par exemple, une augmentation de 30 à 40% de l’achalandage sur les pistes cyclables Montréalaises a été observée.  Étant donné que le taux de blessures est demeuré inchangé, il y a eu une diminution du risque relatif.  Autrement dit, en 2011, un cycliste a environ 30 à 40% moins de chances de subir une blessure à vélo qu’il y a 10 ans.

Un ensemble de facteurs peut expliquer cette amélioration de la sécurité routière pour les cyclistes dont entre autres le phénomène de « safety in numbers » (que je traduis par la sécurité du nombre), l’amélioration des infrastructures cyclables, le port du casque[i], les mesures d’atténuation de la vitesse et l’instauration de plans de déplacements dans un nombre croissant d’écoles primaires.


La sécurité du nombre

De nombreuses études ont démontré que lorsqu’il y a une augmentation du nombre de cyclistes sur les routes, le risque relatif d’accidents chez les cyclistes diminue et ce phénomène est documenté dans la littérature scientifique comme « safety in numbers ». Dans une recension des écrits, Jacobsen (2003) a conclu qu’en moyenne, lorsque la part modale du cyclisme double, il y a une réduction de 32% du risque relatif  d’accident. Une étude plus récente suggère que lorsque la proportion de cycliste atteint un seuil critique, il y a une réduction du risque absolu (autrement dit, la quantité de blessures diminue même si le nombre de cyclistes augmentent) (Elvig, 2009). Ceci peut expliquer en partie pourquoi le risque d’accident par kilomètre parcouru est 6 fois plus faible pour les cyclistes Néerlandais que pour leurs homologues États-Uniens (même si le taux de port du casque est presque nul chez les cyclistes Néerlandais).

À quoi peut-on attribuer ce phénomène ? D’abord, lorsqu’il y a plus de cyclistes sur les routes, les automobilistes sont plus sensibilisés à leur présence. Par exemple, je remarque une différence majeure au niveau de la conduite des automobilistes lorsque je fais du vélo durant l’hiver. De plus, toutes autres choses étant égales, si un plus grand nombre d’individus utilisent le vélo au lieu de la voiture, ceci entraîne une diminution du nombre de voitures, ce qui permet en principe de réduire le risque de collisions.


L’amélioration des infrastructures cyclables

En 1995, le gouvernement de Jacques Parizeau a adopté une politique sur le vélo. En vertu de cette politique, le gouvernement s’est associé avec l’organisme Vélo Québec pour développer la Route Verte, un réseau cyclable de près de 4500 kilomètres qui fait l’envie des autres états Nord-Américains. En plus de la Route Verte, le nombre de kilomètres d’accotements asphaltés sur les routes gérées par le ministère des transports s’est accru considérablement. Dans l’enquête l’État du vélo en 2010, on rapporte que la superficie du réseau cyclable a presque décuplé depuis l’inauguration de la politique sur le vélo ). Il reste bien sur beaucoup de travail à faire pour améliorer le réseau cyclable, particulièrement pour ce qui est du transport actif, mais le progrès accompli au cours des 15 dernières années est tout de même significatif.


Les mesures d’atténuation de la vitesse

Dans cette catégorie, nous retrouvons notamment les limites de vitesse. On sait que le risque de traumatisme crânien et de décès chez les cyclistes augmente de façon exponentielle avec la vitesse du véhicule avec lequel ils sont entrés en collision. Il va donc de soi que l’instauration de limites de vitesse plus basses puisse réduire le taux et la sévérité des blessures, à condition que l’on fasse respecter lesdites limites. Il est aussi possible de réduire la vitesse des véhicules en réduisant la largeur de la route près des intersections et en installant des dos d’âne. Ce type d’aménagement est de plus en plus fréquemment implanté dans les quartiers urbains, notamment au centre-ville de Montréal et d’Ottawa.


Les plans de déplacements scolaires

Ces plans de déplacements visent à augmenter la part modale du transport actif scolaire tout en réduisant le trafic automobile et en améliorant la sécurité aux alentours des écoles. Les statistiques de l’Institut Canadien d’information sur la santé indiquent justement que les jeunes sont surreprésentés parmi les victimes d’accidents à vélo. Au Danemark et au Royaume-Uni, les plans de déplacement ont entraîné une diminution d’environ 80% des blessures chez les jeunes cyclistes (Appleyard, 2003). Au Québec, le programme Mon école à pieds, à vélo! est maintenant implanté dans 210 écoles par Vélo Québec et ses partenaires régionaux, et certains résultats devraient être disponibles sous peu. Il existe aussi un programme similaire dans le reste du Canada.

En conclusion, il est intéressant de constater que le risque d’accident chez les cyclistes est à la baisse au Québec et au Canada et cette tendance peut être attribuée à un ensemble de facteurs (dont j’ai décrit certains des principaux dans ce billet). Maintenant, pour que la tendance puisse se maintenir, il faut continuer à développer les infrastructures cyclables et à améliorer la qualité de celles qui existent déjà (il y a certaines voies cyclables qui laissent à désirer…). Comme je l’ai décrit dans mon dernier billet, les investissements dans les infrastructures cyclables sont généralement très rentables. Il n’y a donc aucune raison de s’asseoir sur ses lauriers !


Références

Appleyard B. Planning Safe Routes to School. Planning. 2003;69(5):34-37.

Elvig R. The non-linearity of risk and the promotion of environmentally sustainable transport. Accid Anal Prev. 2009;41(4):849-855.

Jacobsen PL. Safety in numbers: more walkers and bicyclists, safer walking and bicycling. Inj Prev, 9, 205-209. 2003.


[i] Bien que le port du casque puisse effectivement permettre de réduire la gravité des blessures subies par un cycliste lors d’une chute ou d’une collision avec un véhicule à moteur, son impact n’est pas aussi important que certaines personnes le prétendent. Malgré cela, dans les pays Anglo-Saxons (incluant le Canada), les politiques de sécurité à vélo mettent l’accent d’abord et avant tout (pour ne pas dire presque exclusivement dans certains cas) sur le port du casque. J’expliquerai de façon nuancée les limites d’une telle stratégie dans mon prochain billet.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire