mercredi 22 juin 2011

La saga du BIXI : remettre le problème dans son contexte

Au cours des dernières semaines, le réseau BIXI de Montréal a souvent fait les manchettes, pour les mauvaises raisons. Le rapport du vérificateur général de la ville qui est sorti ce lundi est la plus récente des péripéties. Ce rapport est cinglant envers l’administration du maire Tremblay qui a donné le mandat de développer le réseau à une société privée sans demander ni étude de faisabilité, ni plan d’affaire (ça me rappelle la saga des compteurs d’eau…). De plus, le réseau devait être fonctionnel le plus tôt possible pour que monsieur le maire puisse se vanter de la réussite de BIXI pendant la campagne électorale de 2009.

Ainsi, le réseau a été déployé de façon précipitée et, maintenant, l’administration Tremblay devra en payer le prix, et l’addition sera salée. On parle d’abord d’un prêt de plusieurs millions à la société privée qui gère les BIXIs – malheureusement, il n’est pas prévu que la gestion devienne publique. En plus, BIXI devra se départir de ses exportations qui lui rapportent la part du lion de ses recettes en raison des politiques. Il est donc fort probable que le coût d’utilisation des BIXIs augmente, ce qui ne serait pas forcément une bonne idée, car il pourrait en résulter une diminution de leur utilisation. Il faudrait plutôt augmenter le nombre d’utilisateurs.

Il est évident que le réseau a été très mal géré à Montréal, mais je crois qu’on ne devrait pas se départir des BIXI. Il faut regarder le contexte de façon plus globale en tenant compte du fait que les investissements pour les automobilistes sont démesurés par rapport aux investissements pour les piétons et les cyclistes. Il faut aussi tenir compte des coûts associés aux embouteillages, qui se chiffrent en milliards. Une diminution de la part modale de l’automobile au profit des transports alternatifs et du télé-travail pourrait avoir un impact énorme à ce niveau. C’est sans parler des impacts de la pollution émise par les voitures, autant aux niveaux de l’environnement, que de la santé (maladies respiratoires, obésité, etc.).

D’autre part, une étude scientifique sur l’utilisation du BIXI vient juste d’être publiée dans la revue American Journal of Preventive Medicine (Fuller et al., 2011). Cette étude indique que, seulement dans la première année du programme, près de 10% des Montréalais (soit plus de 125 000 personnes) ont utilisé un BIXI au moins une fois. Un résultat intéressant de cette étude est qu’il n’y avait pas de différence entre les hommes et les femmes quant à l’utilisation du BIXI, alors qu’au Québec en général, près de 70% des trajets à vélo sont fait par des hommes d’après l’enquête l’État du vélo au Québec en 2010. Cette étude illustre également que le taux d’utilisation du BIXI est le plus élevé chez les jeunes de 18 à 24 ans. Il s’agit d’une bonne nouvelle, parce que cette période de la vie correspond fréquemment à un déclin important de la pratique d’activité physique (Larouche et al., sous presse). Si le BIXI pouvait aider à retarder cet évènement, il pourrait avoir des impacts considérables en matière de santé publique.

Dans un tel contexte, il me semble que le gouvernement provincial devrait mettre l’épaule à la roue. En vertu de sa politique sur le vélo (revisée en 2008), le gouvernement veut augmenter de 50% la part modale du vélo dans l’ensemble de la province. Pour se donner les moyens de ses ambitions, il pourrait donner un coup de guidon pour remettre BIXI sur les rails !

Par ailleurs, BIXI est un immense succès dans la capitale États-Unienne. Ce succès a justement rapporté 5,8 millions à la société de gestion des BIXIs. Il me semble donc que les élus montréalais auraient tout intérêt à aller observer la gestion des BIXIs de Washington. Je crois que le problème avec les BIXIs est principalement le résultat d’une mauvaise gestion. Il ne faudrait pas jeter le concept du vélo-partage avec l’eau du bain!

Références

Fuller D, Gauvin L, Kestens Y, Daniel M, Fournier M, Morency P, Drouin L. Use of a new public bicycle share in Montréal, Canada. Am J Prev Med. 2011;41(1):80-83.

Larouche R, Laurencelle L, Shephard RJ, Trudeau F. (sous presse). Life transitions in the waning of physical activity from childhood to adult life: the Trois-Rivières study. Journal of Physical Activity and Health.

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